Franc-maçonnerie et philosophie
(Alpina 2/2011)

Notre société fraternelle et initiatique n'est pas une philosophie en soi puisqu'elle ne propose aucun système défini sur l'être et le monde mais agit au travers de symboles. Il n'en reste pas moins que l'on ne saurait être franc-maçon sans esprit philosophique, c'est-à-dire réfléchir sur des sujets relevant de notre condition humaine. Sitôt que nous nous interrogeons sur l'existence, nos semblables, l'univers, avec la volonté de trouver des réponses, nous entrons dans une démarche philosophique, nous permettant de prendre possession de soi-même et tenter de savoir qui nous sommes et le mobile de nos actions. Pourquoi réagissons- nous de telle façon et non de telle autre, d'où proviennent nos choix de vie, quelle est notre finalité? Autant de questions parmi de nombreuses auxquelles s'attachent les philosophes, dont les présocratiques sont parmi les pionniers, environ cinq siècles avant notre ère. Au début était la mythologie, puis vint la théologie qui emprunta moult notions à la première, ensuite la philosophie qui à son tour puisa dans les deux précédentes pour en tirer des théories nouvelles, la plupart du temps malséantes face aux pouvoirs car la faculté de base du philosophe est de questionner intelligemment, remettre sur le tapis des habitudes que la tradition entérine. Tradition qui bien souvent n'est qu'une paresse de la pensée. Il n'en demeure pas moins, dès que l'on cherche des explications hors de celles déjà fournies, on est en état de transgression car sans forcément les renier on discute des vérités établies, tenues pour définitives, supposées intangibles. Cependant, bien des penseurs ont eux-mêmes cédé à la tentation de considérer leurs points de vue comme irréfutables. On pourrait même dire que chaque thèse recèle en soi peu ou prou un germe d'intolérance. L'esprit libre saura discerner entre les idées substantielles et celles qui ne le sont pas. La philosophie a longtemps découragé le plus grand nombre parce que revêtue d'une terminologie absconse et confinée à des cercles spécialisés. Depuis quelque temps on assiste heureusement à la publication d'ouvrages de qualité destinés au grand public, à l'apparition de lieux de parole vivante permettant à tout un chacun d'appréhender les courants philosophiques dans ce qu'ils ont de beau et de profond. Le questionnement fécond est un surplus de sens, et rien n'est plus stimulant que les idées lorsqu'elles nous éclairent ensemble.

 

Jacques Tornay

<< Numéro 1/2011 Index Numéro 3/2011 >>