La bienfaisance
(Alpina 11/2011)
En franc-maçonnerie, l'esprit et la pratique de la bienfaisance sont des réalités dès ses débuts spéculatifs. Non qu'elle n'existait pas auparavant dans les cercles humanistes proches du Métier, mais c'est à partir de la constitution de la première Grande Loge qu'elle devient méthodique. Il n'y avait à l'époque pas de caisse de prévoyance ni de système d'indemnisation en cas de coup dur, et qui ne disposait d'aucun bien était le plus souvent réduit à la mendicité. Le principe d'entraide s'imposa dès lors pour ces francs-maçons à l'aube du XVIIIe siècle, qui furent parmi les premiers à instaurer des mutuelles de type moderne. Celles- ci se consolidèrent et prirent de ampleur à mesure que des personnages fortunés rejoignaient l'alliance. Aujourd'hui, les interventions caritatives de source maçonnique à travers le monde sont considérables et représentent des chiffres impressionnants, elles sont le fait d'une obédience, d'une loge, ou de maçons individuels. Rarement les médias s'en font l'écho en raison de la discrétion dont nous nous prévalons, toutefois on en aura une idée assez précise en consultant les revues et bulletins maçonniques - en particulier ceux du monde anglophone - où l'information est donnée. Il arrive que les autorités civiles et religieuses soient associées à l'inauguration d'un hôpital, d'une école ou autre établissement d'intérêt public. Ce qui se fait à grande échelle doit pouvoir se faire aussi sur le plan local par chacun d'entre nous, sans dogme ni borne, la générosité ayant pour vocation d'être aussi universelle que la fraternité. Pour mériter son nom, l'action bienfaitrice s'adressera à tout être démuni de l'essentiel. Certes, les gestes d'altruisme peuvent être accompagnés de beaux discours - ils ont parfois leur utilité - mais ils peuvent aussi s'accomplir dans l'anonymat. Il n'est pas indispensable que notre voisin sache que l'on a l'«âme noble». L'amélioration que l'on apporte à autrui, le soulagement qu'on lui procure, ne se traduisent pas toujours par un don en espèces. Il y a une bienfaisance de la parole, du regard, de l'écoute attentive, de la présence maximale dont on est capable auprès d'une personne dans le désarroi. Savoir consacrer de son temps sans rien attendre en retour vis-à-vis de quelqu'un, d'un groupe ou d'une cause, dépenser son énergie dans un but élevé, être là simplement parce qu'il le faut, sont également des dons de la plus haute valeur.
Jacques Tornay
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