La Lumière
(Alpina 1/2012)

En vertu d'un usage largement répandu dans la franc-maçonnerie, évoquer la lumière c'est d'abord se reporter à Jean qui d'emblée affirme que «(...) la vie était la lumière des hommes». Gageons qu'il n'est aucun livre sacré qui ne confère à la lumière un rôle central et il serait aisé d'en trouver maint exemples dès la plus haute Antiquité, à telle enseigne que l'on peut y voir un révélateur universel. Notre tradition a ses petites et grandes lumières. Ce dernier mot revient dans nombre de nos rituels, il figure au cœur même de nos pratiques et soutient nos idéaux. Il n'est pas indifférent non plus que la philosophie maçonnique ait pris son essor précisément au siècle des Lumières, dont beaucoup de ses penseurs orientaient leur démarche vers le progrès de l'humanité en tout domaine. C'est le temps où se développe la notion d'individualité, la personne prend une valeur inédite. Il est facile d'opposer la lumière à l'obscurité voire à l'obscurantisme du passé – quoique une époque comme le moyen âge n'était pas en tous points aussi ténébreuse que l'on se plaît parfois à la décrire. Bref, la maçonnerie se pose et s'impose à l'esprit en tant que convoyeuse d'idées nouvelles. En loge, l'impétrant reçoit la lumière symbolique, moment des plus significatifs de l'initiation puisqu'il est une manière d'aboutissement, mais aussi et surtout un point de départ, une mise en chemin. Le récipiendaire est responsable de cette lumière souhaitée par lui. La laissera-t-il sur le métier ou la cultivera-t-il pour son propre accomplissement et celui de ses frères ? «Trop de lumière éblouit», dit Pascal. Sa surabondance peut effectivement brouiller la vision, fausser le jugement, assoupir l'intelligence et induire en erreur dans un sens ou l'autre jusqu'à dissoudre les repères les plus essentiels. Rien n'est jamais si clair ni sombre que l'on croit. L'homme libre saura distinguer le vrai du faux, opération salutaire que nous devons mener en permanence pour une recherche de la vérité telle que nous l'envisageons. Toute lumière doit répondre à de justes proportions pour donner ses meilleurs effets. L'important, pensons-nous, est de maintenir en soi cette flamme qui dispense en même temps de la chaleur et de la clarté afin que nous restions égaux à nous-mêmes et accomplissions les tâches nécessaires afin que la lumière dont nous nous prévalons fasse son oeuvre en conséquence.

Jacques Tornay

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