Editorial

EdouardHabrant1015« Grise, cher ami, est toute théorie. Et vert l’arbre d’or de la vie »
(Goethe)

En ces temps troublés où la forme de l’Union Européenne, si ce n’est son idée, est mise à l’épreuve, les citoyens ont parfois le sentiment d’un hiatus entre un chaos planétaire et le fonctionnement restreint d’une démocratie qui ne s’exerce que dans un cadre principalement national.

L’idée que seules des crises majeures sont susceptibles de permettre l’émergence d’une société pacifiée et plus juste n’est pas acceptable.

Faut-il donc que la réalité se soit déployée dans toutes ses conséquences pour que la connaissance soit susceptible de l’appréhender ?

La lucidité est-elle perpétuellement condamnée à être trop tardive, privant la sagesse de tout enjeu ?

Certes, Hegel, qui rêvait d’une humanité rassemblée, nous prévient que la chouette de Minerve ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit.

Il n’est pourtant pas trop tard. Ni pour agir, ni pour penser, étant observé que la pensée ne se joue pas dans un autre monde, et que penser, c’est probablement déjà agir un peu.

Pas trop tard pour se défier des préjugés anciens qui peuvent parfois persister ou se renouveler sous de nouvelles formes.

Pas trop tard pour se rappeler que, parmi les ressorts de la guerre, nos propres tumultes internes, si prévisibles, n’y sont sans doute pas étrangers. Laissons courir la colère sans nous, et ce véhicule s’arrêtera de lui-même, faute de conducteur.

Mobilisons sans cesse, y compris en nous-mêmes, la laïcité et la mixité, qui sont en ce monde les plus magnifiques pourfendeurs de dogmes et de préjugés.

Pour autant, s’affranchir des dogmes et des mirages de l’idéologie ne revient pas à se convaincre de la fin de l’histoire, car, à l’instar du parcours d’un individu, l’histoire humaine ne peut avoir de réalisation définitive.

Il est toujours temps, fort de la sagesse des anciens, de déployer un autre récit, et construire une autre Cité, comme aux temps d’Erasme, de Rabelais et de Montaigne.

Temps d’éprouver la conviction d’Alain, qui résonne comme un serment :

« L’amour vaincra la haine et je n’y vois point de vaincu »