Une petite voix s’élève alors dans le silence déconnecté qui appelle la femme à aligner ses différentes activités, les rôles qu’elle joue, et à les comparer avec son moi profond.
Vertige et sentiment de solitude dans ce monde de la toile, du web 2.0. et bientôt du web 3.0.
Comment s’engager seule dans ce cheminement philosophique et spirituel si intimement féminin parfois ? Surtout ne pas bâillonner la petite voix. Lui prêter oreille.
Marie-Thérèse BESSON, Présidente
Ce jeudi 1er mai 2014, comme tous les ans, tous les maçons qui souhaitaient rendre hommage à la mémoire des martyrs de la Commune se sont réunis au Cimetière du Père Lachaise. Toutes les grandes Obédiences libérales étaient représentées par le Présidents : Catherine Jeannin-Naltet, Grande Loge Féminine de France, Marc Henry, Grande Loge de France, Michel Meley, Conseil National du Droit Humain, Daniel Keller, Grand Orient de France et Didier Ozil, Ordre Initiatique et Traditionnel de l'Art Royal.
Environ 2.000 francs-maçons ont assistés aux hommages rendus plus particulièrement à Pierre Brossolette, Eugène Pottier, aux déportés de la Buna Monowitz-Auschwitz III et aux martyrs de La Commune devant le "mur des fédérés".
Catherine Jeannin-Naltet a rendu un vibrant hommage aux femmes, héroïnes ou non, de La Commune et soulignant les tâches qu'elles accomplirent, tâches indispensables dans les journées de luttes de la Semaine Sanglante.
Voici son intervention :
« CIMETIERE DU PERE LACHAISE : 1er MAI 2014
Dans une lettre à Léon Richer, datée du 8 Juin 1872 et publiée dans le recueil « Depuis l’exil », Victor Hugo écrit :« Il est douloureux de le dire, dans la civilisation actuelle, il y a une esclave qui s’appelle mineure. C’est la femme. L’homme a chargé inégalement les deux plateaux du code dont l’équilibre importe à la conscience humaine ; l’homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les devoirs du côté de la femme. De là un trouble profond. De là, la servitude de la femme. Dans notre législation telle qu’elle est, la femme ne possède pas, elle n’est pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. Il y a des citoyens, il n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent ; il faut qu’il cesse. »
Elles n’étaient pas citoyennes et pourtant, pendant la Commune de Paris, elles ont été nombreuses à s’engager non seulement avec courage mais avec une ardeur au moins égale à celle des hommes en ce printemps 1871.
Ne citons que quelques témoignages de leur engagement :
A la barricade de la rue Lepic, le 23 mai au matin, il n’y avait qu’une poignée d’hommes mais une vingtaine de femmes arrivèrent en renfort et se dressèrent sur la barricade, le drapeau rouge d’une main, le revolver de l’autre. Quand la barricade se trouva prise, toutes celles qui avaient été jusque-là épargnées par les balles furent fusillées.
Le même jour encore, place Blanche, cent vingt femmes environ défendaient la barricade. Il y avait là Elisabeth Dmitrieff, Nathalie le Mel, Blanche Lefèvre, Malvina Poulain, Béatrix Excoffon. Celles qui ne furent pas tuées se replièrent sur la place Pigalle.
A la barricade de la rue du Pot-de-Fer, les femmes, combattaient au premier rang, soignaient les blessés, apportaient les munitions, enlevaient les morts.
A la barricade du Conservatoire, quand les fédérés se retirèrent laissant une mitrailleuse, c’est une femme qui demeura, déchargeant la mitraille à l’apparition des Versaillais.
A la chaussée Clignancourt, parmi les trois derniers combattants de la barricade, on comptait une femme et quelle femme, l’intrépide Louise Michel !
A la gare de l’Est, une femme fut faite prisonnière. Livrée à deux caporaux, dont l’un à moitié ivre, elle fut tuée d’un coup de fusil et son cadavre fut l’objet des plaisanteries de la troupe.
Il faut garder de ces semaines difficiles le souvenir de l’engagement de ces femmes : Louise Michel, Elizabeth Dimitrieff, Anna Jaclard, et tant d’autres, qui ne comptaient ni leur temps, ni leurs forces pour faire avancer la marche du progrès. Elles l’ont payé au prix fort lors de la répression qui ne les a pas épargnées. Des centaines de femmes ont été tuées, fusillées au coin des rues, abattues sur les barricades. Plus d’un millier d’entre elles fut arrêté et intégra les convois de prisonniers, livrés à la vindicte haineuse et cruelle avant d’être détenues puis déportées.
En ce jour de 1° Mai, ayons une pensée particulière pour Paule Minck. Durant la Commune, elle ouvrit une école gratuite dans l’église Saint-Pierre de Montmartre, anima le club de l’église Saint Sulpice et alla à plusieurs reprises faire de la propagande en province. Exilée en Suisse, elle ne rentra en France qu’après l’amnistie de 1880 et collabora à divers journaux dont « La revue socialiste ». Paule n’était pas franc-maçonne, mais a échangé quelques lettres avec Marie Bonnevial, communeuse elle aussi et franc-maçonne du Droit Humain, également affiliée à la loge « Diderot » de la Grande Loge Symbolique Ecossaise. Aujourd’hui est l’anniversaire de la mort de Paule Minck. Elle est décédée le 1° Mai 1901. Ses cendres reposent ici dans le Colombarium du Père Lachaise où elle avait demandé à être incinérée.
Républicaines ou anarchistes, pionnières des mouvements féministes ou ouvrières liées à l’Internationale, jeunes révolutionnaires, elles se sont révoltées contre un ordre social qui les méprisait et les excluait. Elles voulurent une plus grande égalité sociale, la reconnaissance de leurs droits spécifiques en matière d’emploi, d’instruction, de santé, de statut juridique, elles veulent l’égalité des sexes. Elles veulent devenir de véritables citoyennes, accéder à la reconnaissance sociale et participer à la vie politique.
La Commune est leur révolution.
Ce sont ces thèmes qui alimentent les livres, les articles, les conférences, les discours de Nathalie Lemel, Louise Michel, Marguerite Tinayre ou Paule Minck.
De ces vraies militantes, certaines deviendront franc-maçonnes comme Louise Michel, Maria Pognon, Marie Bonnevial, Eliska Vincent et la plupart feront partie, sous la 3° République, d’organisations féministes très bien structurées.
Parler des femmes de la Commune, c’est faire acte de justice.
Au nom de toutes ces « communeuses », de notre place de Franc-maçonnes, donnons-nous les moyens de continuer de nous battre, chaque jour, afin de construire une société plus égalitaire.
Comme dans toutes les luttes d’hier et d’aujourd’hui, les femmes restent déterminées.
Que ce soit en 1789, en 1830, en 1848, pendant la Commune de Paris et pendant la Résistance, jusqu’au bout, elles sont porteuses d’espoir, porteuses d’idéal.
Pendant les années noires de l’occupation, elles ont été omniprésentes, composant la masse des « Justes » de France, des combattantes de « l’armée de l’ombre » en servant d’hébergeuses, de boîte aux lettres, d’agents de liaison, d’opératrices-radio, prenant aussi les armes et partageant le sort des hommes dans la torture, la déportation, la mort.
Souvenons-nous de Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle, Marie-Madeleine Fourcade, Marie-Claude Vaillant-Couturier racontant le courage des 230 femmes d’un convoi de résistantes gaullistes et communistes qui ont entonné fièrement « La Marseillaise » en franchissant l’entrée du camp de Birkenau.
Souvenons-nous de tant d’autres entrées dans la clandestinité qui étaient nos sœurs des loges d’adoption, tant d’autres qui sont devenues nos sœurs après la tourmente.
N’est ce pas pour saluer l’importance de leur sacrifice et parce qu’elles avaient une fois de plus fait leurs preuves, qu’à Alger, le 21 Avril 1944, une Ordonnance du Général de Gaulle au nom du Comité Français de Libération Nationale prévoit dans son article 1er la convocation d’une Assemblée Nationale Constituante « élue par tous les français et françaises majeurs » et dans son article 17 que « les femmes, comme les hommes sont électrices et éligibles ».
Pour toutes ces femmes admirables dont le courage n’a eu d’égal que la modestie, soyons « passeuses de mémoire » et comme elles, travaillons pour construire une société où l’ensemble de l’Humanité pourra vivre sans réserve, ni exclusion, sans haine, ni rejet, dans l’Amour et dans la Fraternité.
Je laisserai le mot de la fin à Louise Michel : « On a voulu faire des femmes une caste (…) le monde nouveau nous réunira à l'humanité libre dans laquelle chaque être aura sa place ».
Catherine Jeannin-Naltet
Présidente de la GLFF
Photos : Ronan Loaëc