Oser. La femme du XXIe siècle, connectée, multitâche, tchatte sur les réseaux sociaux, échange sur les forums, « tweete et retweete », court après son bus, fait répéter leurs leçons à ses enfants ou petits-enfants, pare aux urgences du quotidien. Vie active d’échanges tous azimuts et pourtant … le smartphone ne capte pas de réseau pour les questions existentielles. Les réponses sont à chercher en soi, dans son réseau de réflexions intérieures et intimes.
Une petite voix s’élève alors dans le silence déconnecté qui appelle la femme à aligner ses différentes activités, les rôles qu’elle joue, et à les comparer avec son moi profond. Vertige et sentiment de solitude dans ce monde de la toile, du web 2.0. et bientôt du web 3.0.
Comment s’engager seule dans ce cheminement philosophique et spirituel si intimement féminin parfois ? Surtout ne pas bâillonner la petite voix. Lui prêter oreille.
Les musulmans doivent s'adapter à la société française, interview sur www.lexpress.fr - 1er décembre 2012
Des années que Tareq Oubrou trace discrètement son chemin afin d'aider ses coreligionnaires musulmans à trouver leur place au sein d'une France laïque. Dans son dernier livre, Un Imam en colère (Ed. Bayard), ce fils d'instituteur marocain, élevé aux confluents de la tradition musulmane et de la modernité occidentale, n'hésite pas à s'en prendre aux "ignares qui déterminent aujourd'hui ce qui est orthodoxe".
A ceux qui veulent des vérités toutes faites, Tareq Oubrou, religieux érudit, oppose un islam de la nuance, qui interprète le Coran à la lumière du contexte et prône un ajustement des pratiques rituelles avec les réalités de la société française. Un islam spirituel et non identitaire, ouvert sur son environnement.
Vous estimez que les musulmans doivent s'ajuster à la société dans laquelle ils vivent, française en l'occurrence. De quelle manière?
En partant des réalités concrètes qui l'entoure. Il faut que les musulmans puissent accorder leurs gestes à leur foi sans perturber le fonctionnement de la société par des revendications outrancières, quitte à renoncer à une certaine visibilité. Le "tout ou rien" est néfaste et aboutit à une voie sans issue, qui alimente la peur chez les non-musulmans. On est musulman lorsqu'on a la foi; c'est la grâce de Dieu qui sauve. Les pratiques cultuelles, elles, sont aménageables. Les prières peuvent être effectuées après le travail, par exemple, ou le jeûne du ramadan reporté en cas de maladie. Le vrai problème concerne les comportements qui relèvent de l'éthique personnelle et qui sont devenus des marqueurs pour beaucoup de musulmans: manger halal, porter le voile... Avec le halal, nous ne sommes pas dans le sacré. Le fidèle a seulement pour obligation d'alléger au maximum la souffrance de l'animal. Quant au voile, je n'ai trouvé aucun texte qui oblige la femme à se couvrir la chevelure. Le combat que les musulmans ont mené pour le port du voile me désole, parce qu'il donne une image négative de la façon dont l'islam perçoit la femme. Cette tendance à tout ritualiser conduit certains fidèles à parler plus de la pratique que de Dieu lui-même!
Les fidèles peuvent-ils s'appuyer sur les imams pour suivre cette voie?
Les imams sont malheureusement souvent les ventriloques des associations qui les salarient et qui sont tenues le plus souvent par des migrants de la première génération. Ces associations ne veulent pas d'imams intellectuels mais des imams venus du bled, qui ne leur coûte pas cher, ne font pas de vagues, et qui maintiennent le statu quo théologique. Dans les prêches, les problèmes comme l'échec scolaire, la drogue, , l'usage de la raison et du bon sens critique, ne sont pas abordés, alors qu'ils devraient être l'occasion de responsabiliser les musulmans dans la société. Nous avons à Bordeaux un institut privé de formation, où une vingtaine de jeunes apprennent à penser la foi musulmane dans un environnement sécularisé, en tenant compte du droit français notamment. Dans cet institut, je veux avant tout former des gens équilibrés, car quelqu'un qui a des comptes à régler avec la société ne peut pas faire un bon imam. Avec le temps, nous espérons pouvoir développer des spécialités qui répondent aux attentes de la société: économie, bioéthique, etc. L'engagement dans la société: voilà l'antidote à l'esprit de victimisation si répandu dans la communauté musulmane.
Vous appartenez depuis longtemps à l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), dont l'image s'est ternie ces dernières années. Ses détracteurs lui reprochent de s'être notabilisée, de ne pas suffisamment faire de place aux jeunes, d'inviter des prédicateurs polémiques... Pourquoi être resté?
Je suis un homme très fidèle. Bien que je sois loin d'être d'accord sur tout, c'est à l'UOIF que j'ai appris la démocratie, la tolérance et le sens de la responsabilité qui m'ont mené sur le chemin que je poursuis aujourd'hui. Pour moi, l'UOIF ne doit pas intervenir sur le plan politique, par exemple; c'est une organisation religieuse. Elle est aujourd'hui profondément en crise, c'est vrai. A mes yeux, soit elle change radicalement, soit elle disparaît.
Le CFCM était nécessaire pour donner à l'Etat un interlocuteur. Mais je pense qu'il faut repartir de la base. On pourrait commencer par organiser des assises de l'islam en France rassemblant des imams, des théologiens, des penseurs, des présidents d'associations ... L'islam est une religion qui vit sur le terrain, partout dans l'Hexagone. En revanche, il est encore beaucoup trop marqué par une représentation ethnique - marocaine, algérienne, tunisienne... Il n'existe pas d'islam de France, mais un islam maghrébin de France.