03.11.15
Extrait de « La Montagne » du 3 novembre 2015

Alain Graesel a été le Grand maître de la Grande Loge de France de 2006 à 2009. Il est depuis 2010 président de la Confédération internationale des Grandes Loges Unies. Il animera, vendredi, une conférence à Thiers, et le lendemain à Clermont-Ferrand. Et rassurez-vous, il n'aura pas de chapeau pointu sur la tête : « Nous n'en avons jamais eu. Nos seuls décors rituels sont des tabliers et des sautoirs. Et si nous les portons, c'est pour rester fidèle à nos racines ».

La Montagne : • Quid de cette Confédération dont vous êtes le président ?

Alain Graesel : « La confédération réunit vingt-quatre obédiences à travers le monde depuis les Philippines jusqu'à l'Amérique latine. Elle a pour but de promouvoir les valeurs de l'humanisme, du respect et de la dignité des êtres humains. C'est aussi une démarche spirituelle. Mais pas une croyance au sens théologique. Je suis moi-même agnostique. »

• La maçonnerie génère de nombreux fantasmes : l'un lié aux pouvoirs que peuvent exercer les francs-maçons dans la sphère publique ; le second aux secrets... Si vous ouvriez vos temples, ne pensez-vous pas qu'il y aurait moins de rumeurs ?

A.G : « Le secret est objet de nombreux fantasmes entretenus, le plus souvent involontairement, par la discrétion dont font preuve les maçons dans leur conduite qui peut sembler mystérieuse alors que la réalité est assez banale. Il n'y a qu'un seul vrai secret : le secret d'appartenance. Il relève du fait que chaque maçon, tout en ayant le droit de révéler sa propre appartenance, n'est pas autorisé à « dévoiler » celle d'un autre maçon. Cette disposition remonte au début du XVIIIe siècle, époque à laquelle le rassemblement d'hommes de cultures et de religions différentes était non recommandé, voire proscrit. Pour mémoire, l'histoire maçonnique a souvent été agitée. Il y a encore peu sous le Régime de Vichy. On peut d'ailleurs souligner qu'un casier judiciaire vierge est obligatoire pour qui veut postuler. »

• le recrutement est quand même axé sur une certaine élite sociale ?

A.G : « C'est un mythe. Il y a des hommes venus de tout horizon. Des gens qui souhaitent réfléchir ensemble sur la manière de se construire tout en construisant la société. »

• Comment comptez-vous faire bouger la société ?

A.G : « Nous ne sommes que force de proposition : nous donnons notre position aux élus, de droite comme de gauche - il n'y a que les extrêmes que nous excluons - et nous laissons ensuite ces élus du peuple à leurs responsabilités. »

• Quel regard portez-vous sur le monde ?

A.G : « J'ai 66 ans. J'avais 18 ans en mai 68. Depuis, la société n'a cessé de décliner. Les valeurs humaines ont besoin d'entretien. Et je crois que nous avons un urgent besoin de les passer à la paille de fer. Nous vivons dans une société où personne ne se retrouve. C'est le règne de l'individualisme. Et nous essayons de le combattre pacifiquement. »